Accueil >> Feuilleton >> Chapitre XIV : Où l'on prend la poudre d'escampette par un moyen qui ne vaut pas un pet de lapin
Nos quatre héros ont bien du mal à vivre des aventures épiques mais il faut leur reconnaître un sens inné pour s'embourber dans les problèmes. Est-ce lié au dieu Ecaflip joue avec leur existence comme à pile ou face et qui Fait que cela tombe toujours du mauvais côté? Est-ce lié à Xélor et à l'aiguille d'un radar intérieur mal réglé qui les entraînent dans les pires situations? Est-ce lié à la perversité d'un narrateur omniscient qui aime les transporter dans les lieux les plus improbables? Bien sûr, la dernière hypothèse n'est guère crédible.
Vous aussi, vous vous êtes levé un matin avec la langue pâteuse et cette impression désagréable en bouche. Vous avez un peu mal au crâne et manqué de vous tordre la cheville en sortant du lit car vos membres inférieurs sont tout engourdis. Votre vue est brouillée et vous avez même quelques vertiges. Mais le pire, c'est cette sensation de nausée et de tiraillements dans le ventre.
Vous savez que vous devez aller aux toilettes au plus vite. Vous ne savez pas encore comment ni par où, mais vous êtes sûr que cela doit sortir de votre corps !
C'est exactement ce que vit le Craqueleur Géant. Réveillé sur une plage qu'il ne reconnaît pas, importuné par des insectes qu'il avale pour s'en débarrasser, il se dit que décidément, c'est la dernière fois qu'il mange autant de houille à une soirée de « Roc et Trooll ». Il y avait été convié par une Crakinette, amie du Craqueleur Légendaire, qui adore les calculs, développer des cailloux dans les reins et faire de la musique qu'elle pratique en écrasant les larves ou les os des touristes de passage. En effet, selon la qualité des carcasses, le craquettement n'est pas le même. Cette mélomane accro du rock distingue le son de la compression (« scrounch »), de l'aplatissement (« plaf »), et de la pulvérisation (« pffffff »). Malheureusement, elle n'a pas beaucoup d'occasions pour exercer ses talents et elle se contente pour l'instant de taper sur des cailloux. Son rêve est de fonder un groupe de musique avec des Troolls. Cela s'appellerait « Pierres qui roulent » pour amasser des kamas et pour écraser les scarabées.
Quoi qu'il en soit, le Craqueleur géant se dit que la prochaine fois, il fera une soirée tranquille au coin de la montagne à jouer à des parties de « pierre pierre pierre », la variante bien connue du « pierre feuille ciseaux » des habitants d'Amakna.
Pour faire passer la sensation désagréable, il prend une gorgée d'eau dans la mer et essaie de s'asseoir pour calmer les douloureux borborygmes et gargouillis de son tube digestif. Mais ça ne passe pas. En revanche, il sent qu'il est obligé de lâcher une flatulence peu gracieuse pour enfin être soulagé de son ballonnement. Elle vient lentement mais sûrement du fond de ses entrailles. Il se met en position pour soulager son ventre de la pression exercée par les gaz.
Un. Deux. Trois. Prout. Ouf, c'est fini !
Permettez-moi de faire une pause culturelle et éducative sur l'origine de cette accumulation excessive de gaz dans l'estomac et l'intestin qui nécessite une évacuation par la bouche ou l'anus. Rassurez-vous, le pet n'est pas sale ! Bien au contraire ! Il est vital. D'ailleurs, ne dit-on pas pour prendre des nouvelles de la santé d'un ami au teint si terne : « Ça gaze ? »
Pet foireux, pet mouillé, petit pet timide, tous les pets sont dans la nature. Le seul problème est d'ordre social. Comment gérer cette expulsion de gaz lorsqu'on n'est pas seul dans ses toilettes ? Certains font mine de ne rien entendre et rien sentir. D'autres regardent un quidam avec réprobation pour faire croire que le délit a été commis par celui-ci. Certains disent « pardon » alors que dans l'assistance personne n'avait entendu ou senti quoi que ce soit. D'autres ne disent rien et trouvent cela parfaitement naturel.
Plus encore, lorsque l'on est en société et que l'on sent venir le vent, de multiples questions assaillent le cerveau ! Est-ce que cela va ne pas sentir la rose ? Est-ce que cela sera sonore ? Si oui, est-ce que le bruit sera étouffé ou triomphant? Est-ce qu'en semant ce vent, vous déclencherez une tempête de désapprobation ?
Une chose est sûre, pour nos quatre compagnons de galère coincés dans le système digestif du Craqueleur géant, ce pet mouillé était une façon de dire: « Bon vent ! »
***
Réfugiés dans le galion échoué au fond des intestins du Craqueleur Géant, Domy, Lirufec, Mortimer et Kevhlard sentaient le navire vibrer de toutes ses fibres de bois. Recroquevillés sur eux-mêmes en attendant la suite des événements qui ne s'annonçaient guère favorables, ils ne savaient pas s'ils allaient finir noyés ou écrasés contre une paroi intestinale. Mais ils voyaient bien que le bateau avait le vent en poupe. Malgré l'odeur insupportable, ils essayaient de respirer lentement et profondément pour ne pas céder à la panique.
Dans un fracas extraordinaire, ils ont senti l'embarcation s'envoler dans les airs avant de retomber dans un vacarme assourdissant.
Une fois la poussière retombée, ils purent ouvrir les yeux et découvrir le nouveau paysage : globalement vert, un peu mouillé par les résidus du contenu du ventre du Craqueleur et visiblement gorgé de créatures inconnues si on en croit les cris stridents qui les entouraient.
« Et maintenant ? demanda Kevlhard.
— Quoi ? répliqua une Domy endolorie par la chute et essayent de s'extirper de sous un feuillage épais.
— Gni ? dit un Lirufec lointain.
— Qu'allons-nous faire? Et maintenant? Que seront nos vies? poursuivit le Iop dans une sorte de ritournelle solennelle.
— Eh ben, d'abord, tu te tais ! lui intima Mortimer. Tu savoures l'instant présent et tu remercies ton dieu de ne pas t'avoir rappelé auprès de lui.
— Oui, mais après? s'enquit le Iop impatient.
— Tu continues de te taire et on te dira quand tu pourras parler, lui répondit l'Osamodas. Où est le nain ?
— Gni ? se fit entendre une petite voix.
— Je crois qu'il doit être un peu plus loin, dit le Sram tout en enlevant les branchages qui s'étaient pris dans ses côtes.
— Lirufec ? cria Domy. T'es où le nain?
— Gnii !
— Il doit être par là-bas. Domy, Kevlhard, ça va ? Vous venez vers moi et on récupère le nabot? demanda le Sram.
— J'arrive, répondit l'Osamodas.
Un silence s'ensuivit.
— OK, tu peux parler, le Iop, soupira Mortimer.
— J'arrive, cria Kevlhard.
Les trois compagnons se mirent en route, guidés par la voix de l'Eniripsa.
— Ça y est je le vois ! hurla le Iop.
— Gniiii!
— Mais qu'est-ce que tu fais avec ces lianes et ce truc sur la tête ? s'étonna Domy pendant que Mortimer retirait la tête de l'Eniripsa d'une noix de Kokoko géante.
— Ah ben c'est pas trop tôt! j'ai cru que j'allais finir étouffé ! s'exclama Lirufec.
— Et maintenant? demanda Kevlhard.
— Quoi ? répliqua Domy.
— Qu'allons-nous faire? Et maintenant? Que seront nos vies? poursuivit le Iop.
— Aucune idée, répondit Mortimer.
— Comment ça ? s'étonna Kevlhard. Moi, je suis toujours le gars qui ne veut rien comprendre mais vous autres, vous êtes censés être intelligents et savoir ce qu'on doit faire, non?
— Ben, faut que ça change, bougonna le Sram. De toute façon, jusqu'à présent, réfléchir ne nous a pas servi à grand-chose.
— T'en dis quoi Domy ? demanda Kevlhard à l'Osamodas qui finissait de démêler les lianes autour de l'Eniripsa.
— Pareil que Mort'.
— Idem, dit laconiquement Lirufec.
— Et là? On fait quoi ? redemanda le Iop.
— On te suit, tête de Piou, s'écria le Sram.
— Oui, on va changer de direction pour voir ce que ça donne quand c'est toi qui mènes la barque, dit Domy.
— Euh, OK. Euh... Alors on marche.
Et c'est ainsi que les quatre aventuriers se mirent en route dans la jungle avec pour guide le Iop. Comme quoi, tout arrive!
Merci d'écrire dans un francais correct et d'éviter le bwork et le sms.
Le , KObr a écrit :
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